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Livre – 9-3, une histoire plurielle de la Seine-Saint-Denis

9-3 a paru aux éditions du Seuil le 17 octobre 2025. Un arpentage documentaire de la Seine-Saint-Denis, le département le plus connu de France mais aussi le plus caricaturé.

2005-2025, résonances intimes

En novembre 2005, la France connaît un mouvement social et politique d’une immense ampleur : les révoltes des banlieues.
Leur point de départ ? À Clichy-sous-Bois, la mort de deux adolescents, Zyed Benna et Bouna Traoré, après avoir été pris en chasse par la police. Puis, trois jours plus tard, le lancer par des CRS d’une grenade lacrymogène dans une mosquée.

Que ce mouvement trouve son origine dans une ville de Seine-Saint- Denis, département le plus connu et le plus caricaturé de France, n’est pas anodin. 20 ans après, l’événement résonne toujours avec autant de force avec l’histoire de ce territoire.
Mondes ouvriers, logement, racisme, déliquescence du service public, luttes pour l’égalité, écologie : en onze promenades attentives et sensibles, loin des stéréotypes médiatiques, ce livre plonge dans le paysage et les enjeux contemporains du département.

Chemin faisant, en mêlant la parole d’habitant·es et de chercheur·ses à ses propres réflexions, Antoine Tricot collecte ce qui nous lie tous et toutes au 9-3, coeur battant de la société française.


De nombreuses rencontres ont lieu autour du livres que vous pouvez retrouver sur le site des éditions du Seuil


“Le 9 et le 3 sur le drapeau”

Si un drapeau du 93 existait, il faudrait y afficher en bonne place la représentation stylisée d’une grue de chantier. Peu
importe où je traîne dans le département, je suis accompagné par ces grandes silhouettes dégingandées qui fouillent le lointain. De ma fenêtre au cinquième étage d’un immeuble du centre-ville de Saint-Denis, je les observe quotidiennement façonner le paysage. Quand une grue disparaît, une autre émerge un peu plus loin. Elles tripatouillent l’horizon sans égard pour les monuments, le Stade de France, les tours Pleyel, les toits de la sous-préfecture, et même Montmartre au loin. De l’autre côté, elles grignotent la basilique, l’hôtel de ville, la cité Gabriel Péri, la cité universitaire de l’Hermitage et, au loin, la colline de Montmorency. La faucille et le marteau de la banlieue rouge ont cédé la place aux échafaudages et aux marteaux-piqueurs.
Je suis un étranger ici. Je suis arrivé il y a tout juste dix ans, un peu par hasard, à la fin de mes études, comme tous ces jeunes qui cherchent un loyer accessible en région parisienne, séduit par l’histoire de la ville, l’activisme militant qui s’y épanouissait à ciel ouvert et les services publics locaux hérités du communisme municipal. Quelques jours seulement après mon installation, une Dionysienne animant un stand sur la place de la mairie m’a offert un badge : « Saint-Denis, ville des rois morts et du peuple vivant ». Va pour ce programme.

Voilà comment commence ce livre que j’ai eu le plaisir d’écrire en prenant comme point de départ le podcast Penser le 9-3 que j’anime depuis 2023. A la demande de Profession Banlieue, le centre de ressource Politique de la ville du 93, et accompagné par le studio de podcast Making Waves, j’ai proposé ainsi 12 épisodes qui explorent la Seine-Saint-Denis, son histoire et les enjeux qui la traversent.


Le livre en quelques mots et une vidéo


Promenades dialoguées

Le livre reprend en partie le dispositif du podcast, dans chaque épisode on arpente un lieu différent du 93 en compagnie de chercheuses et chercheurs spécialistes des quartiers populaires ainsi que de personnes expertes de cet endroit soit parce qu’elles y vivent, parce qu’elles y travaillent ou parce qu’elles y militent.

Mais le livre se présente sous forme d’un récit à la première personne où j’explique ma relation à ce territoire dans lequel j’ai réussi à m’ancrer pendant dix ans, où je me situe personnellement moi qui ait grandi dans un village de trente habitant du Cantal, bien loin du 93, où je contextualise historiquement et politiquement et où je rend sensible ces explorations du paysages du département.

Journalisme situé et journalisme de la banalité

Lorsque j’ai commencé à travailler sur les quartiers populaires, à plusieurs centaines de kilomètres de là, à Dunkerque, j’ai dû passer au crible ma pratique naissante du journalisme. Alors fraîchement titulaire d’un diplôme de journaliste, « non reconnu » par la profession comme on dit, influencé à la fois par mes études d’histoire et par mon expérience de campagnard, j’ai essayé d’esquisser une manière de faire mon métier sans participer à la déformation de la réalité de ces lieux. Jérôme Berthaut a bien étudié l’instauration dans les années 2000 de l’image de la banlieue telle qu’on la connaît. Dans son livre La Banlieue du « 20 heures », le sociologue analyse comment les médias se sont focalisés progressivement sur les faits divers au détriment d’un traitement par des spécialistes habitués des questions sociales, de la lutte syndicale, des HLM… En abordant seulement à longueur de flashs infos et de pages de journaux des affaires de violence, de drogue ou toute autre histoire sordide dans ces espaces, une image négative – appuyée sur une esthétique choisie de barres, de
tags et de paraboles satellites – s’est progressivement attachée au mot « banlieue » au point de recouvrir tout le reste. Cette image de la banlieue en fait un espace en dehors de la République, par essence différent, dangereux et incompréhensible.

Mais le piège de la représentation des quartiers populaires
est double. Car à cette image caricaturale répond souvent une autre, naïve, qui tente de contrebalancer ce stigmate par la mise en avant des « réussites » locales. Deux faces d’un même miroir déformant, qui obligent les personnes des quartiers populaires à être exceptionnelles sous peine d’être criminalisées. Aucune chance ne leur est donnée d’exister comme des êtres humains, modestement moyens, comme le sont pourtant la plupart des autres personnes vivant dans ce pays. Alors il m’a semblé important de redonner une place au quotidien et à la banalité de la vie dans ces lieux. Pour informer autrement sur les quartiers populaires, j’ai voulu y aller quand il ne s’y passait rien, quand les caméras du « 20 heures » regardaient ailleurs, fascinées par d’autres événements qu’elles contribuaient à créer.


Dans toutes vos librairies

Le livre est largement disponible en librairie comme on peut le voir sur le site Place des libraires.

A la librairie des Volcans à Clermont-Ferrand
A la librairie Mollat à Bordeaux
A la librairie La P’tite Denis à Saint-Denis

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