Il y a cinq ans, je me rendais pour la première fois à Saint-Pol-sur-Mer, une petite ville de 21 000 habitants, coincée entre Dunkerque et Grande-Synthe. Grâce aux éditions Créaphis, cette aventure prend corps dans un livre de format poche mise en vente à 12 euros et qui s’appelle Cheville Ouvrière.
En octobre 2015, je découvrais deux quartiers côte-à-côte. D’un côté une grande barre d’immeuble, tortueuse, toute de briques et de tuiles, et une cité-jardin cheminote construite dans l’entre-deux-guerres et dont certains pavillons étaient à l’abandon. Un projet de rénovation urbaine avait été signé une dizaine de mois plus tôt pour transformer les deux quartiers.
Durant deux ans je m’y suis rendu une semaine par mois. J’y ai interviewé formellement 65 personnes et discuté avec des dizaines d’autres. Des jeunes, des vieux, des femmes, des hommes, des habitants et des gens qui y travaillent, des intérimaires, des ouvriers, des personnes en services civiques, des politiques, des chômeurs, des étudiants, des lycéens…
J’ai essayé de comprendre comment fonctionnaient ces quartiers et comment leurs images dans l’imaginaire des personnes que j’interviewais pouvait être aussi différentes : la fierté pour le quartier cheminot et le mépris pour la barre HLM construite dans les années 1970.
Pourtant les deux quartiers me semblaient porter ce même héritage des cités ouvrières. J’ai donc patiemment remonté leur histoire en recoupant mes interviews par des recherches aux archives et dans la presse. Le livre parle donc de l’histoire des cheminots et de la transformation de la SNCF, des grands ensembles, des HLM, de la politique de la ville, de la mauvaise réputation, de l’horizon des jeunes habitant.e.s, des éducateurs de rue, de l’engagement politique et des identités créolisées. Et puis aussi de démocratie locale, de Community Organizing, de chômage, d’immigration, du racisme, de rénovation urbaine et d’espoir…
Et tout au long de mon travail, j’ai tenté de réfléchir à cette question : qui suis-je pour raconter cette histoire ? Moi qui suis né et ai grandi au milieu de la campagne et alors que j’appartiens à cette tribu hétéroclite du journalisme qui ne s’est pas privée de caricaturer les “banlieues”. Un questionnement qui m’a amené à réfléchir sur les pistes possibles pour participer à la construction d’un journalisme narratif, éloigné du fait divers, et qui puise dans l’histoire, la sociologie et la littérature. Autrement dit j’essaie de répondre à cette question qui doit beaucoup au sociologue des médias Jérôme Berthaut : qu’est-ce qu’un quartier populaire quand les caméras des journaux télévisés sont braquées ailleurs ?
La sortie en librairie a eu lieu le 24 septembre 2020. Vous pouvez le commander ici :
https://www.placedeslibraires.fr/livre/9782354281618-cheville-ouvriere-essai-de-journalisme-critique-en-quartiers-populaires-antoine-tricot/