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Livre – Un quartier Français

Entre 2019 et 2021, le photographe Nanda Gonzague a été en résidence dans le quartier Degroote à Tétegheim dans l’agglomération dunkerquoise. Sa présence sur place prolonge ma propre résidence de 2015 à 2017 à 5 kilomètres de là dans les quartiers Guynemer – Jean-Bart et Cheminots de Saint-Pol-sur-mer. Dans ce livre de photos de 128 pages édité par les éditions Créaphis, Nanda donne à voir la trajectoire des habitants et des habitantes de ce quartier en voie de démolition. On observe dans les visages l’histoire de ces lieux, des générations, du travail, des loisirs, de l’immigration, du quotidien dans un quartier populaire. Et puis le départ.

Le travail de Nanda fait écho aux problèmatiques que je développais dans mon propre livre Cheville Ouvrière, Essai de Journalisme en quartier populaire en faisant ressortir la banalité de la vie en ces lieux, sa tranquilité, l’affection, les diversités et kes zones d’ombres parfois mélancoliques et graves.

Les photos sont des éditions Créaphis – Pierre Gaudin

La qualité documentaire de ce travail est relevée par un texte de Paul Leroux, directeur du château Coquelle, qui développe une action décisive sur le territoire à partir de la photographie documentaire. Un très beau texte de la philosophe Christiane Vollaire aborde de manière frontale la question de la documentation des quartiers populaires, de ses promesses et de ses limites. Ce texte résonne tout particulièrement avec l’introduction de Cheville Ouvrière qui proposait un changement de pratiques et une remise en cause des savoir-faire des journalistes en quartier populaire.

Pour ma part, j’ai l’honneur de signer un texte en entame de ce très beau livre. J’y aborde les questions de la rénovation urbaine et de ses conséquences sur la vie des habitantes et des habitants des quartiers populaires.

Rénover l’urbain (Extraits)

« J’ai laissé les rideaux dans l’appartement. Ça m’aurait fait bizarre de voir les grandes fenêtres vides. Il y a déjà celles des voisins au-dessus… Donc au moins, j’ai toujours cette présence des rideaux quand je passe devant en allant travailler. J’ai aussi laissé un petit pot de fleurs sur le balcon parce que je sais qu’elle aimait bien les fleurs ma mamie. »

Les mots de Ludovic résonnent dans ma tête alors que j’observe les résidences du quartier Degroote à Téteghem. Je me surprends à chercher le pot de fleurs sur les balcons. À vingt-neuf ans, le jeune animateur a vécu presque toute sa vie ici, chez sa grand-mère. Mais lorsque cette dernière a dû entrer en Ehpad, il n’a pas eu le coeur de rester. « Et puis il fallait changer un peu… » souffle Ludovic dans un sourire. De la pièce du centre
socioculturel Saint-Exupéry où il travaille, il m’a montré l’ancien appartement familial :

« Vous voyez le bloc orange ? On était dans le bloc juste en face, le 2. Mes anciens voisins, ça leur fait bizarre d’avoir un immeuble à moitié vide. Parce que nous, il y avait six appartements et ils ne sont plus que trois et
bientôt plus que deux. Pourtant c’est un des derniers immeubles qui va partir… On voit un peu les fenêtres d’ici. »

Ces grandes fenêtres hexagonales, c’est ce que l’on remarque en premier lorsque l’on arrive au pied de ces immeubles singuliers. Ils s’élèvent au-dessus de pelouses rendues bien vertes par la pluie des derniers jours. Aujourd’hui, le vent a pris le relais. De temps en temps, de belles éclaircies percent entre les nuages. Brièvement, les façades aux couleurs défraîchies resplendissent dans le soleil. Entre les panneaux de béton gravillonnaire qui découpent les murs en grands rectangles ocre, les joints fraîchement refaits dans une sorte de silicone transparent luisent de mille feux. Il y a là 428 logements HLM construits entre 1975 et 1978. Tous doivent être démolis d’ici 2025.

Un Quartier Français est déjà en vente à La Librairie de Dunkerque (envois possibles dans toutes la France) et le 6 janvier dans toutes les librairies

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