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Ateliers TNS - 2025

Séance 01 – Penser un sujet radio

Qu’est-ce qu’être auteur-rice ?

C’est ce qui fait la différence entre une intuition, une lubie, une idée, un sujet et une œuvre, une pièce, un projet artistique.

Qu’est-ce que vous avez à dire vous-même au monde ? Cela ne se résout pas en une fois, on ne pourra pas dire tout en une expression, en un spectacle, en un texte, en un documentaire sonore.

Construire une œuvre est un processus.

En fait pour moi ce qui fait œuvre d’art c’est ça, c’est la capacité à tracer un chemin, une recherche, d’acte en acte, qui suivent une voie dans tous les sens du terme.

Cela se conjugue souvent avec une obsession ou des obsessions. Cela peut-être pour une thématique. Cela peut être aussi pour un objet, une couleur (Yves Klein), une forme ou bien un dispositif. Cela peut-être tout cela en même temps et plusieurs voies en même temps.

On tire ça de son expérience, de ses inspirations, de ce qui nous fascine, on le fait résonner avec un contexte socio-historique et l’histoire de l’art (ce qui a été fait avant).

Mes différentes obsessions :

  • La campagne
  • Les quartiers populaires
  • L’histoire contemporaine de l’Europe centrale et occidentale, le nazisme et l’antifascisme en particulier
  • Dire je en tant que journaliste et la subjectivité
  • Faire résonner l’écriture sonore et l’écriture littéraire de non-fiction
  • L’enquête et les dispositifs d’enquête
  • La question des archives, des traces de vie, des documents
  • Etc.

Un bon sujet croise :
1. Votre expérience personnelle (ce qui le rend unique),
2. Votre obsession (qui vous donne une expertise)
3. Et un problème de société (qui va donner une profondeur au sujet et en faire quelque chose qui va intéresser plusieurs personne)

Un bon projet va croiser :
1. Un sujet original : pourquoi ce sujet ? pourquoi maintenant ? pourquoi dans cet espace ?
2. Un angle (une manière d’aborder le sujet)
3. Un dispositif adapté : Quels personnes ? Quelles situations sonores ? Quelle prise de son ? Quel lieu ? Déplacement ou pas etc. ? Qui pose les questions ? Quel type de question ?

Comment chercher un sujet ?

Dans la vie de tous les jours

Dans votre histoire personnelle : « Nos intimités sont politiques » mais cela ne veut pas qu’il faut tout dire à n’importe qui. Qu’est-ce qui est politique dans mon histoire personnelle ? Qu’est-ce qui est politique dans mon histoire familiale ? Dans ce qui m’entoure ? Comment ne pas se mettre en danger aussi (donner des renseignements trop précis sur soi, son adresse etc. Se protéger)

Une veille : Chacun sa veille. Bien sûr la presse locale, la presse d’info nationale, la presse sportive, mais aussi les réunions d’associations, les BD, les livres, les archives et les programmes d’éditions. Et puis surtout parler avec les gens autour de vous, s’étonner, poser des questions.

Qu’est-ce qu’un bon sujet ?

Il n’y a que des bons sujets. Mais il y a peu de bons angles.

Pour trouver un angle : selon moi, il faut se demande d’où je parle et prendre en compte le médias pour lequel je le destine ou au moins avoir une idée du public. Par exemple :

Sur la surveillance numérique : le sujet est complexe. D’où je parle, de la place d’une personne intéressée par le numérique, pas technophobe, mais citoyen inquiet et journaliste paniqué par la surveillance numérique. Je parle à un public éduqué, utilisateurs d’outils informatiques avec peu de connaissance de comment cela fonctionne et pas forcément fans de numériques. Je dois donc faire comprendre et intéresser ce public. Donc enquête à la première personne, curieux et naïf.

Déterminer d’où je parle

Le je dans la non-fiction est un débat complexe. Des journalistes-auteurs comme Joseph Kessel et Albert Londres écrivaient à la première personne. De même la journaliste du XIXe siècle Séverine écrit à la première personne, même si son travail est à cheval entre le journalisme et le travail d’édito.

Mais ensuite, une disjonction s’est faite en France (mais parfois de manière plus claire encore en Allemagne) entre le journalisme qui rapporte des faits et le journalisme d’opinion, le journalisme politique.

Dans cet article Arnaud Mercier décrit de manière claire l’impossibilité d’atteindre la neutralité pour tout être humain. Notre perspective ne peut qu’être subjective. Et un texte neutre est très difficile à faire lire.

Vous pouvez aussi lire cet article de Clément Baudet sur Syntone racontant les différences entre le story telling à l’américaine et la narration radiophonique en France.

Il note que la mise en scène est présente dans la narration américaine pour renforcer le récit, en ménageant du suspens, des cliffhanger, met en avant des anecdotes, le narrateur soulève des questions en permanence en apportant ses propres réponse. On alterne les deux pour renforcer l’attention de l’auditeur.
En France on y voit plutôt une fictionnalisation du réel qui est vu de manière péjorative. Comme le dit Clément Baudet : « le montage est aussi une réécriture du réel, réalisée en studio, a posteriori. »

J’aurai tendance à dire qu’aujourd’hui une place beaucoup plus grande est laissé au story telling. Que la première personne s’impose dans de nombreux formats documentaires. LSD notamment y est sensible.

Personnellement, je défends un journalisme à la première personne. Pour différente raison. Tout d’abord car je me positionne dans une culture scientifique qui ne perçoit les vérités que comme situées. Mon point de vue n’est pas légitime pour prévaloir sur d’autres. Je dois donc être transparent sur mon positionnement, ma situation. Si quelqu’un d’autres que moi va quelque part, du fait de notre expérience et de ce que l’on renvoie comme image, on aura pas le même résultat à la fin, mais ça ne veut pas dire que les deux ne sont pas vraies. C’est ce que je disais dans l’introduction de mon livre Cheville Ouvrière et dans une tribune à Libé en octobre 2020.

Je m’autocite : « Je suis un homme perçu comme blanc, hétéro, de classe moyenne, français. Si je me cache derrière un “on”, un “nous”, une objectivité de façade, mon point de vue apparaîtrait comme “neutre”, “universel”, valant pour tous. Mais ce n’est pas vrai. Ce point de vue n’est que le mien, il doit être pris pour tel. Ce n’est qu’ainsi qu’il n’apparaît pas comme central, qu’il laisse la place à d’autres points de vue, qu’il peut être critiqué comme un point de vue individuel. C’est une perspective parmi d’autres. Et parce qu’il veut parler à tou.te.s sans prendre toute la place, mon travail a une portée universelle, réelle. Elle tisse avec d’autres, une représentation universelle de la réalité. Et pour ça il faut diversifier les profils des journalistes. »

Mais tous les sujets ne sont pas adaptés au Je. Par exemple la question biographique est complexe. Autant Titou Lecoq s’en tire très bien dans son livre sur Honoré de Balzac, autant moi je n’ai pas eu le courage de dire je en parlant d’Edouard Glissant. Mon point de vue de Paris aurait pu être intéressant mais m’amener à parler de moi et pas de lui. Ce n’est pas le même documentaire. Il faut savoir aussi se mettre en retrait. Florence Aubenas est ainsi très discrète, ce qui s’explique aussi car sa notoriété pourrait recouvrir tout à fait ses sujets. Mon premier documentaire n’avait même pas de voix-off.

Comment trouver de la documentation ?

Il faut savoir se servir de Google : Par exemple en regardant ce que propose cet article du blog du modérateur

Protips : faites-vous un compte gmail juste pour vos recherches pro. Effacer vos cookies en fermant le navigateur.

Il faut aussi savoir chercher sur les réseaux sociaux, en particulier sur les réseaux sociaux : pour trouver une personne, des groupes et même des lieux.

Il faut aller dans les sites des médias spécialisées en relation avec le sujet. Faire une recherche google sur le site.

Les bibliothèques municipales, universitaires, spécialisées (INHA, DHIP…)

Les archives ne sont pas à négliger, notamment les archives départementales, les archives spécialisées etc.

Ne pas négliger de lire des livres ! En particulier les derniers sorties. Apprendre à lire vite, pas tout le livre, ce qui vous intéresse, comprenez vite la thèse de la personne, son originalité. Comprendre les débats dans le champ. Demandez aux attaché.es de presse des maisons d’édition qui vous intéressent de vous ajouter dans leur liste d’envoi des programmes.

Comment trouver des intervenant.es ?

Il existe pour cela différents sites intéressants, même s’il n’y a pas de formule magique. Le métier aide à avoir une longue liste d’expert.es, mais il ne faut pas se reposer sur ses lauriers, le documentaire a aussi un rôle d révélateur de personnes peu interviewées.

http://www.theses.fr/

www.sudoc.abes.fr/

www.electre.fr

Les tribunes des journaux

Dans les émissions un peu pointue : France Culture, France Inter…

Sur le terrain :

Il faut y aller. Le mieux avec un point d’entrée : association, café, mairie, journaux locaux, médecins… attention : le contact est important, être gentil.le, expliquer son projet, sa démarche, rassurer. Soyez curieux.ses, poli.es…

Attention aussi aux biais : si c’est le maire qui vous donne des contacts, forcément ce sera partisan. De même pour les partis politiques, les associations etc. Mesurer les intérêts de chacun.

Comment choisir ses intervenant.es ?

Des perspectives différentes.

Des genres différents

Des expériences du sujet/de vie différentes.

Attention à l’expertise ! Point trop n’en faut. Car cela crée un décalage entre ce que les témoins disent et ceux qui commentent. J’aime les chercheurs qui sont dedans. Qui appartiennent au terrain. Il faut respecter les expertises des personnes qui expérimentent au quotidien le sujet et la valoriser autant sinon plus que l’expertise universitaire, nécessaire, mais qui est là pour éclairer le sujet, le mettre en contexte, en donner toute la dimension systémique.

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